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Au Style.

A Vcunesfois les parties ne demeurent pas en preuue : mais quand le demandeur a proposé en sa demande, et affermé ses faicts, il aduient que le defendeur ne veut pas attendre la preuue desdicts faicts, ou par ce qu’il dit qu’ils ne sont pas raisonnables pour l’obliger et assuiettir à la demande, ou par ce qu’il afferme ses faicts qu’il dit estre plus raisonnables, et destructifs des faicts du demandeur. Et au contraire le demandeur soustient que ses faicts sont plus raisonnables que ceux de partie, et à luy appartient. d’en faire preuue au deuant de la partie, et le defendeur dit que non. Et pource qu’en Normandie l’en ne plaide qu’à vne fin, et que l’on n’appointe point les parties contraires en faicts, et que chacun prouuera : mais doit auoir l’un la preuue à faire, pour escheuer longueur de procez, et euiter à grans despens : sur lesdites conclusions des faicts principaux se mettent souuent les parties en iugement, où pend la principalité de la cause. Car quand les parties procedent, et l’vn afferme faicts, se la partie contre qui les faicts sont affermez, n’en donne néance, les faicts affermez demeuret pour confessez. Or est il ainsi que se l’vne des parties afferme faicts, et l’autre de sa part, et que l’autre partie aduerse ne les vueille nier, ils demeurent aussi pour confessez. Ainsi ne reste plus à sçauoir, sinon lesquels sont trouuez les plus raisonnables : sur quoy se prend la conclusion. Et se les faicts du demandeur sont trouuez plus raisonnables, et tels qu’ils pouuoyent perimer la matiere, et qu’ils estoyent plus receuables que ceux du defendeur : puis qu’il les a affermez, et n’ont point esté deniez, pourquoy ils sont demourez pour confessez : il n’est plus de mestier qu’il en face probation, mais doit auoir gain de cause. Et pareillement le defendeur, s’il est trouué que ses faicts soyent plus raisonnables, et que le iugement soit fait et rendu pour luy. Car il faut que les parties soyent egales en iugement : et que se l’vne peut gaigner sa cause par vne seule conclusion, l’autre par semblable, s’il obtient en icelle conclusion, peut aussi gaigner sa cause.

Telle est la regle de droict, Non debere actori licere, quod reo non permittitur. Or sur ce pas il conuient noter, Que tout demandeur auant que proceder à la signature des faicts escrits, et election du faict ou du droict, doit aduertir à trois choses necessaires : c’est à sauoir que son antecedent soit vray, et sa consequence bonne : et que les faicts du defendeur soyent faux, s’ils sont destructifs et peremptoires : ou ls’ils sont véritables, qu’ils ne soyent peremptoires. Et second ce le demandeur doit estre bien aduisé d’attendre la preuue des faicts du defendeur, s’il voit qu’ils foyent peremptoires, mais iceux estre faux. Et s’ils ne sont peremptoires, luy faut auoir recours à l’ordinaire et accoustumee conclusion d’offrir la preuue de ses faicts. Et si ayant attendu la preuue des faicts du defendeur, iceluy defendeur ne la vueille prendre, ains signe en droict, les faicts affermez par iceluy defendeur seront reputez vains et faux, combien qu’ils soyent perimens : mais par telle signature tacitement il soustient la consequence du demandeur n’estre bonne, et ses faicts estre impertinens. Si le demandeur ayant veu les faicts affermez par le defendeur pertinens et peremptoires, n’en attend la preuue, ains offre faire la preuue des siens, il semble confesser lesdits faicts, mais attendre sur ce iugement pour luy, que ses faicts, si prouuez estoyent seroyent cûcludens, encores que les faicts du defendeur fussent prouuez. Et alors c’est au defendeur à nier les faicts du demandeur, s il voit que la consequence d’iceluy soit bonne, et que les faicts de luy defendeur ne soyent desstructifs de ceux du demandeur : ou signer en droict s’il pense la conclusion et consequence du demandeur estre mauuaise. Et s’il voit la consequence estre bonne, et les faicts véritables, mais les siens estre destructifs, alors signe aussi en droict, s’ils ne sont deniez : car ils demeurent pour cognus, et ne reste qu’à iuger s’ils sont destructifs, ou non. Et par ainsi quand le defendeur afferme quelques faicts dont le demandeur ne veut attendre la preuue, et apres le defendeur signe en droict, il signifie qu’il soustient que la consequence du demandeur est mauuaise : ou que les faicts de luy defendeur emportent suffisante defense. Et lequel appointement de droict, le demandeur est te nu d’accepter : et par ce dire cquiualemment, et soustenir que sa consequence est boune, et ses faicts plus pertinens et peremptoires que ceux du defendeur. Et pareillement quand le demandeur signe en preuue qu’il veut faire de ses faicts, et le defendeur signe en droict, par ceste conclusion il dit en effect et substance, qu’il ne s’ensuit des faicts du demandeur la conclusion où il tend, et par ce confesse le tout. Et quand le demandeur signe en droict, il signifie qu’il soustient sa conclusion estre infèrée de ce quiluy est demeuré pour cognu par faute de néance.

Aucunesfois le demandeur prend la preuue à faire de ses faicts à sufsisance, auquelcasil ne faut pas feulement regarder si tout est prouué : mais si ce qui est prouué est suffisant, Mais par ce moyen le prouuant auroit attaint, ds’il prouuoit tout, encores qu’il nefust pertinent, il emporteroit gain de cause : et s’il prouuoit moins, et il estoit portinétautant.

Aussi il y a neance pour valoir qu’il appartiendra : qui se fait quand on est deliberé attendre la preuue pour decision. Car le faict est impertinent, et néantmoins on nele veut confesser.

D’auantage les parties aucunesfois veulent charger l’un l’autre de néances non correspondantes à leurs faicts. Et quand la preuue n’en est emprinse, et les parties sur ce l’appointent au iugement de droict, ils veulent dire et inferer par telle conclusion de droict, c’est à sçauoir celuy qui en a refusé la preuue, qu’il luy suffit de prouuer ses faicts, sans fassuiettir à prouuer lesdites neances : et l’autre le contraire. Et quelquefois est sur ce contesté en ceste manière, qu’on veut faire la preuue de ses faicts, et des nefces de partie, et du tout à suffisance. Ou bien qu’on veut prouuer lesdites neances pour valoir qu’il appartiendra, qui est à dire que ce n’est pas pour decision, mais afin que lesdites neances ne demeurent pour cognues.

Item les parties aucunesfois en contestant aux faicts respectiuement affermez mettent en auant quelques defenses, c’est à dire quelques circonstances qui diuersifient les faicts affermez : et lesquelles defenses ils veulent prouuer : ou attendent la preuue des faicts affermez à la charge de leurs defenses, qui est à dire qu’ils veulent queles tesmoins de partie soyent sur ce examinez, pource qu’ils peuuent rapporter aussibien l’vn que l’autre : et soustiennent que leurs defenses periment lesdits faicts, et qu’icelles rapportees, ils doyuent venir à entente. Et si telle preuue est refusce, les defenses demeurent cognues : et sur ce se rend le iugement.

Item faut noter que si les faicts sont proposez et affermez par disionctiue, il estre. quis que toutes les parties de la disionctiue soyent cûcludentes : autrement celuy contre qui ils sont affermez, les peut defendre, et seurement signer en droict. Ainsiiugé par arrest donné entre Ourry et Bense le 22. de Decem. 1525. pource que celuy qui les afferme ainsi entend dire et soustenir qu’il luy suffit de prouuer l’un ou l’autre. Etsi toutes les parties sont pertinentes, il faut tout denier : et neantmoins il suffira de prouuer un membre de la disionctiue. Parainsi en faicts disionctifs il suffit en prouuer un pour gaigner tout : comme par contraire il suffit de soy defendre de l’un pour toutMais il faut declarer nommément lequel faict on entend defendre, afin de proceder de termes cettains : car à response generale on n’est tenu entendre.

Il y a vn doute, sçauoir si on ne debatoit point vn donné à entendre sans affirmation, s’il demourroit pour cognue et si en cecy la regle a lieu, quod tatens habetur pro consentiente aut confitente in indicio. Et combien qu’on ne soit tenu en donner néance absolute, mais simplement le reietter : toutesfois, c’est le plus seur de le debatre et reietter : et à tout confessant l’escrit de partie véritable à son preiudice, mais le reiettant, et c. Laquelle le moins à la fin de l’escrit apposer ceste clause, comme il se fait ordinairement, Non clause toutes fois ne seroit pas suffisante pour denier les faicts affermez. Car il les faut precisément denier autrement ils demeurent pour cognus.

Et pour ce que cy dessus est dit qu’en Normandie on ne plaide qu’à vne fin, et à seulement l’une des parties le faict à faire : et que les parties ne doiuent estre appointees en faicts contraires, et à prouuer chacun de sa part : Cela est vray, sinon que les parties de elles-mesmes sy accordent, pour les probations faites d’vne part et d’autre iointes au procez, leur estre fait droict. Ce qui se fait aucunes fois : et en ce cas ne pend la decision de la matière sur le bien ou mal prouué : mais est fait droict aux parties tant par ce qui est prouué, que par leurs raisons de droict couchees aux cayers de leurs faicts. De la regle dessusdite, qu’on ne plaide qu’à vne fin, sensuit que combien que de disposition de droict, Nullus pluribus defensionibus vti prohibeatur : toutesfois ceste regle souffre limitation par nostre vsage et pratique, en ce qu’on ne peut user de defense de faict denié, et de faict defendu. Toutesfois on pourroit bien user de defense d’un faict defendu, tant par ce qu’il seroit confus et incertain, comme par ce que quand il seroit certain, il ne conclurroit. Autant en seroit si ie defens un faict, qui conme de soy concludant est posé, et iy allégue vne faute : que quand ladite faute n’y seroit trouuce, et qu’il inferast de soy, il y a toutesfois quelque circostance, ou chose extrinseque, que ie suis prest de prouuer, qui destruit et estaint la vertu d’iceluy, ou pour le moins la presomption qui en resultoit pour inferer la consequence en estre bonne. En quoy y a pareille raison qu’au cas precedent, puis que tout tend à impugner et debatre la consequence, et à fin de defence, et non à fin de neance. Tellement que ce sont choses pareilles, de dire, le defens vostre faict, premierement pource qu’il est c6 fus : secondement pource que quand il seroit certain, il ne concludicar ces deux moyens sont receuablesyou de dire, le defens vostre faict, pource qu’il n’infere : et que quand il infereroit, ce ne seroit que par presomptié, lequelle est tollue par le fait que l afferme. Mais il est defendu de dire, le denie vostre faict, et neantmoins ie le defens, qui est à dire, que quand prouué seroit, ie le soustiens impertinent. Et se fault arrester à l’une des fins, c’est à dire, ou à le niersauquel cas s’il est prouué, encores qu’il soit impertinent. le prouuant gaigne sa causejou à le defendre, et soustenir qu’il est impertinent, et n’infère la conclusion du demandeur sauquel cas le faict demeure pour cognuyou à soustenir que le faict qu’on afferme au contraire est plus pertinent. Auquel cas aussi les faicts demeurent pour cognus d’vne part et d’autre : et l’assiet le iugement de droict sur la pertinence, ou impertinence desdits faicts. Comme pour exemple : le 12. de Iuil. 1504. par arrest donné entre les chanoines de Constances et le curé du Fresnay, porteurs de brefde nouuelle dessaisine pour les dismes des terres du prieuré de Puceux, assis en ladite paroisse, lesdits chanoines monstrans titre pour les deux parties des dismes de ladite paroisse, et ledict curé disant estre fondé en droict commun pour l’autre tiers, et affermans leur possession, d’vne part. et le prieur dudit Puceux dépendant de l’abbaye de Touart, de l’ordre de sainct Benoist, alléguant les priuileges des abbayes dudit ordre, d’estre exempts de payer dismes de leurs terres, et affermant que luy et ses predecesseurs auoient tousiours perceu lesdites dismes descordables, et en auoient tousiours esté tenus quites et exempts enuers lesdits chanoines, et curé, et specialement aux dernieres annees, d’autre part : le iugement fut redu au profit desdits demadeurs, sans appointer les parties contraires et en enqueste. Et furent les faicts de possession affermez par lesdits demadeurs iugez plus pertinens, que ceux de possession affermez par le defendeur, veu le titre monstré par lesdits chanoines, et l’assistance du droict commun où estoit fondé ledit curé, et que ledit prieur n’estoit fondé qu’en allegation de priuilege.

Et fait à noter qu’en matière heredital, qui allégueroit titre, comme vendition ou autre contract d’héritage, et le voudroit prouuer de certain, on ne seroit tenu de l’en mettre en faict. Car on n’est tenu de se mettre en fait de son héritage par simple preuque ou desrent. Et aussi qui le voudroit prouuer par enqueste, on n’attendroit pas le fait, qui ne voudroit ioindre que les lettres eussent esté veuës et leuës à ouye de paroisse, ou notoirement venues à cognoissance et certaineté. Car par la coustume du pays vn faict ne chet point en enqueste en tel cas, s’il n’est ou peut estre notoire au voisiné : selon l’opinion de la glo. au chapitre De moneage. Pareillement nul n’est suject d’attendre faict contre la teneur de sa lettre, mais trop bien outre la teneur.