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François 1540.

P Ource qu’auons esté aduertis qu’en la iurisdiction ecclesiastique se font plusieurs emprisonnemens de diuerses personnes, pour cas et crimes. priuilegiez1 qui nous touchent, tant pour la conseruation de nostre police et iurisdiction, que pour faire la punition desdits cas par nos Iuges, à l’exemple des autres ecclesiastiques et mal-faiteurs : et iaçoit ce que du temps. de nos predécesseurs de bonne mémoire, que Dieu absolue, ayent esté establis Aduocats et Procureurs de nous en ladite iurisdiction ecclesiastique, afin d’auoir l’eil et regard aux choses dessusdites, toutesfois lesdits Iuges ecclesiastiques procedent à la perfection desdits procez, vuidenge et decision d’iceux, eslargissement et deliurance des prisonniers et delinquans, sans en communiquer à nosdits Aduocats et Procureurs, ne sur ce les appeller, dont aduient qu’ils n’ont aucune cognoissance desdits crimes et delicts, au grand dommage de la chose publique, preiudice et interests de nos droicts et iurisdiction. Nous à ces causes auons prohibé et defendu, prohibons et defendons ausdits Iuges ecclesiastiques de proceder à ladite vuidenge desdits procez, sans preallablement appeler nostredit Procureur, et luy communiquer iceux procez, pour y garder nostredit droict et interest.


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Cas et crimes priuilegiez.

Le cas priuilegié est vne qualité concernante l’interestduRoy, qui fait que quand la personne est ecclesiastique, crimen efficitur vtriusque foris et en appartient la cognoissance et punition tant au Iuge seculier qu’au Iuge ecelesiastique à l’un du cas priuilegié, et à l’autre du delict comun. Comme crime de less maiesté, fabrication ou exposition de fause monnoye, falsification des seaux Royaux, ou falsité commise és lettres Royaux, ou és contracts passez deuaut Tabellions de Cour laye, Sauue garde enfrainte, ou Treues enfraintes, quand elles sont données en Cour laye, Plainte à clameur de Haro, comme il a esté dit cy dessus, Port d’armes, assemblee illicite et force pubiique, Offense faite aux Officiers du Royou d’autre Iusticier en faisant et exerçant leurs offices, a trentats, rebellion ou desobeissance commis contre leurs commandemens et defenses. Quand les clercs exercent mestiers, estats ou offices de gens lays, et ils delinquent en iceux. Quand ils deposent faux tesmoignage, forgent et subornent tesmoins, ou faident de faux instrumens de uant le Iuge seculier. Et generalement tous crimes où il y auroit scandale publique, commotion populaire, sedition ou autre offense publique, comme contient l’Edit du Roy Henry contre les heretiques, fait en l’an 1549. Et où il y auroit contrauention aux Edicts et ordonnances du Roy. Et sont tels cas appelez priuilegiez, pource que les. clers mesmes qui sont priuilegiez sont punis pour iceux par le Iuge Royal-ou pource que le Roy et ses Iuges en cognoissent par priuilege, dont ils sont en possession de temps. immemorial, comme des autres droicts et priuileges de la Couronne. Lesquels cas sont amplement traitez par le susditAufrer , au lieu preallégué. Or pour entendre cûment il doit estre procedé esdits cas, Faut noter que les Iuges Royaux, et mesmes les Iuges. des seigneurs subalternes, peuuent informer, si bon leur semble, contre les prestres et cleres, des crimes et delicts par eux commis : et décreter contre eux prinse de corps, ou adiournement personnel : sauf à les renuoyer à leurs Iuges ecclesiastiques, si faire se doit apres les auoit interroguez. Et sily a cas priuilegié, et que le crime soit verifié par la fimple confession de la personne ecclesiastique, le Iuge lay le peut codamner pour le cas priuilegié, et le renuoyer à son Iuge ecclesiastique à la charge de ladite cûdamnationeet s’il ne confesse le cas, le doit renuoyer à son Iuge à la charge dudit cas priuilegié : faisant defense audit Iuge ecclesiastique de proceder à la deliurance ou essargissement du prisonnier, iusques à ce que la condamnation du cas priuilegie, si condamnation y a, ait esté executce : sinon, iusques à ce qu’il ait esté cognu discuté et decidé dadit cas priuilegié. Et si le cas priuilegié cocernoit les droicts Royaux, comme. crime de lese maiesté, fausse mûnoye et autres semblables, il seroit fait defense à l’official de proceder contre luy sans appeler les Officiers du Roy du licu où est le siege ecclesiastique : et en autres cas il ne seroit fuiet appeler lesdits Officiers. Et sur ce soit noté que par sentence du Bailly de Rouen M. Guillaume le Dru prestre prisonnier pour homicide par luy commis auoit esté enuoyé aux prisons de l’Archeuesque de Rouen, à la charge de droict, et de proceder vers ledit le Dru par degradation, s’il estoit trouué que faire se deust. Et en ce regard auoit ladite sentence esté acceptee par l’Archeuesque. Mais en tant qu’elle contenoit que les Officiers dudit Archeuesque seroyent tenus appeler les Officiers du Roy audit bailliage, pour estre presens à voir faire ledit procez, et y garder le droict du Roy, ledit archeuesque auoit appelé à la Cour. Et luy ouy, et le Procureur du Roy au bailliage, la Cour met ladite appellation, et ce dont est appelé au neant : et déclare que ledit le Fru est enuoyé pour estre procedé contre luy selon le surplus d’icelle sentence : par ce qu’à la prononciation de la sentence qui par ledit Archeuesque ou son official seroit donnee, lesdits Officiers du Roy seroyent presens ou appelez pour y garder le droict dudit sieur ainsi qu’il appartiendroit, par ar. du 9. de Iuin 1512. Or apres que le Iuge d’eglise aura cognu et decidé du delict commun, si le Iuge Royal voit que par le procez fait en Cour d’eglise, le cas priuilegié soit deuëment vérifié, il condanera le delinquant en amende pecuniaire enuers le Roy laquelle sera arbitree selo la grauité du delict, et qualité de la personne, et à tenirprison en Cour d’eglise, iusques à l’entier payement d’icelle : auec defense au Iuge d’eglise d’essargir le prisonnier, iusques à ce qu’il ait satisfait à ladite amende, sur peine de la recouurer sur luy. Et si par ledit procez le caspriuilegié n’est assez amplement verifié, lelu ge Royal quelque iugement qu’ait doné le Iuge d’eglise, pourra plus auant enquerir horsmis la torture pour parfaire la preuue dudit cas priuilegié, comme escrit Guill. Benedic repeti. t. Raynutius sup. ver. et uxorem. nu. 430. de testa. extra. Lequel fait mention d’aucuns clers, qui par arrest de la Cour de Parlement furent condamnez enuers le Roy, et la partie interessee, en certaines sommes de deniers, pour un port d’armes et ainfraction de fauuegarde, dont ils auoit esté absous en Cour d’Eglise. Et si le Iuge d’Eglise deliure ou essargit le prisonnier sans le renuoyer pour faire droict sur le cas priuilegié, il peut estre appelé de luy en cas d’abus : etpeut l’Euesque estre contraint par la prinse de son temporel, à restablir le prisonnier. Etsi peut le Iuge lay emprisonner de son authorité le delinquent, s’il le peut apprehenderiEt pourra le cas priuilegié etre si grief, qu’outrel’amende pecuniaire le Iuge Royal pourra condaner le clerc ou prestre en améde honorable, bannissement hors du Royaume, ou de la prouince, et cofiscation de ses biens patrimoniaux, si aucuns en a. Mais il ne le peut priuer de ses benefices, comme le porte certain Edict du Roy François, fait contre les hereriques en l’an 1543. Combien qu’Imbert die qu’il n’y a que la Cour de Parlement qui le puisse condaner en amende honorable. Il peut aussi en cas de fuite ou absence faire appeler à ba, et adiourner, atrois briefs iours ledit clerc ou prestre, auee saisie et annotation de ses biens : et le condamner comme contumax, pour ledit cas priuilegié, en amende ou bannissemer, et confiscation de ses biens, si le cas le requiert. Et soit noté que ceste authorité n’appartient qu’au Iuge Royal : et que si par les informations faites parle Iuge du seigneur subalterne contre un clerc ou prestre il estoit chargé de quelque cas priuilegié, bien que l’offense concernast la iurisdiction ou les officiers du seigneur, il faudroit renuoyer le delinquant au Iuge Royal, pour l’examiner sur le contenu esdites informations, et cas priuilegié, et ce fait faire droict sur le renuoy en Cour d’Eglise à la charge du cas. priuilegié, ou sur la condamnation d’amendé, selon que dessus a esté dict : laquelle amende en ce cas seroit adiugee audit seigneur, à qui l’’iniure auroit esté faite, ou à ses officiers. Le Procureur duquel en doit faire la poursuite par deuant le Iuge Royal, et auancer les frais, si aucuns en conuient faire, sauf à les recouurer sur le delinquant. Or combien qu’il ait esté dit cy dessus, que le Iuge Royal doiue renuoyer le clercou prestre à son Iuge ecclesiastique, à la charge du cas priuilegié, si le crime n’est deuëment verifié par sa simple confession : comme mesmes le porte l’Edict du Roy François de l’an I543. cy dessus allégué : toutesfois mosieur du Luc en ses arrests dit auoir esté de nouueau ordonné par plusieurs arrests du Parlement de Paris, et mesmes le zo iour d’Aoust 1549. Que si aucuns cleres ou gens d’Eglise sont prins et apprehendez par le Iuge Royal, pour aucun crime où il y ait cas priuilegié, iceluy Iuge Royal cognoistra et iugera pre mierement dudit cas priuilegié : et ce fait les renuoyera au Iuge ecclesiastique pour le delict commun. Et ce pour autant qu’on a cogneu par experience les abus des Iuges d’Eglise, ouurans en tous cas les prisons sans punition, à ceux qui leur estoient renoyez à la charge du cas priuilegié. Qui estoit cause que les gens d’Eglise prenoyent dicence de mal faire, pour l’espoir qu’ils auoient d’eschaper par là des mains de la Iustice, comme par un huis de derriere, sous pretexte de leur priuilege. De quoy est fait complainte en la cle. i de offi-ordi.1

Or ne faut-il oublier. Que combien que le Iuge lay ne puisse codamner ny absoudre un clerc ou personne ecclesiastique, sinon és cas dessusdits, et comme il a esté dittoutesfois le Roy est en possession et saisine de donner graces et remissions aux clercs et gens d’Eglise, encores qu’ils soient condamnez par leurs Iuges. Et cognoist le Iuge Royal de l’enterinement d’icelles. Et si lesdites remissions sont trouuces surreptices. obreptices, ou inciuiles, il en peut euincer et debouter les porteurs d’icelles, et les cO damner pour le cas priuilegié, si aucun y en a, et à l’interest des parties ciuiles, et les renuoyer aux Iuges ecclesiastiques pour le delict commun.

Et combien que le Iuge lay ait la puissance telle qu’elle a esté déclarce sur les cleres et personnes ecclesiastiques ( comme aussi selon la saincte Escriture toute personne doit estre sujette aux puissances superieures ordonces de Dieujtoutesfois le Iuge ecclienastique n’a peu gaigner ce poinct en France, d’auoir aucune coerction en cas de crime sur les suiets du Roy, si cen’est pour crime de symonie ou heresie. Et encores n’a il pas la caption des personnes soient layes ou ecclesiastiques, hors son pretoite. Ains est tenu pour l’execution des mandemens de prinse de corps par eux decernez, requerir et implorer l’aide et secours du bras seculier. Et en ce cas le Iuge Royal ouautre, est tenu faire executer par ses Serges les decrets du Iuge ecclesiastique qui luy sont presentez, et enuoyer les personnes apprenendees audit Iuge ecclesiastique, apres auoir cogneu qu’elles soient aceusees et chargées de crime, dont la cognoissance luy appartienne. Et où ceux contre lesquels auroit esté decrété s’absenteroient, le Iuge feculier doit proceder contre eux par defauts à trois briefs iours, et saisissemens de leurs biens suiuant l’ordonnance. a la charge que si les defaillans comparent, ils auront main leuee de leursdits biens : et seront lesdits accusez rendus audit Iuge d’Eglise. Or quant au crime de symonie, combien que la punition en appartienne au Iuge ecclesiastique, toutesfois le Iuge Royal en peut cognoistre incidentellement au procez meu par deuant luy pour raison du possessoire d’un benefice ecclesiastique, afin seulement d’en adiuger la possession partie aduerse et demaderesse audit crime, selon l’opinion d’Imbert . Si est-ce que par arti. du 2. de Iuin 1507. entre de Sillans Sieur de Hermauille d’vne part, et d’estouteuille baron de Roncheuille d’autre, sur le descord du brief de patronnage et droict de presenter à l’Eglise de Gontranuille, fut dit que ledit de Sillans n’estoit receuable sur ledit brief, qui estoit simple possessoire, à arguer de symonie le titre dudit d’estouteuille au droit dudit patronage : et fut le benefice empli de la personne du presenté dudit d’estouteuille, veu ses possessions d’u presenter és vacations dernieres. Et fut lordain disant estre pourueu audit benefice par le legat à droict de deuolut, à cause d’icelle symonie, declaré non receuable audit procez. Quant au crime d’heresie, Cobien que par cu deuant ayent esté faits plusieurs Edicts tant du temps du Roy François premier, que du Roy Henry, contre les Lutheriens et autres, mettans en auant doctrines contraires aux constitutions de l’Eglife Catholique, et Romaine, comme tenus et reputez heretiques, seditieux, scismatiques, et perturbateurs de l’vnion et repos publique, rebelles et desobeissans aux ordonnances et comandemens du Royepar lesquels Edicts la cognoissance, correction et punition de toutes personnes non constituées és ordres sacrez suiuans lesdites doctrines estoit commise et attribuee aux Iuges Royaux : Toutes fois nous auds icy omis et delaissé iceux Edicts, tant par ce Gpar Edict irreuocable du Roy François second, fait à Romoratin au mois de May, rs6o. l’entière cognoissace de tout crime d’héresie est delaissee aux Prelats de ce Royaume, comme naturels Iuges d’iceluy crime, et ainsi qu’ils l’auoient anciénement. interdisant aux Cours de Parlemet, Baillifs, Seneschaux et tous autres Iuges Royaux d’en entreprendre aucune cognoissance, et ne s’en messer aucunement, sino entant qu’ils seroient requis par les Iuges d’Eglise, de leur prester et bailler secours pour les executions de leurs ordonnances et iugemens, que aussi par l’Edict du Roy fait à S. Germain. en Laye le 17. de Iau. 1561. et par l’Edict de la pacification des troubles aduenus en ce Royaume à cause de la religion, fait à Amboise le xix. de Mars 1562. les sectateurs et imitateurs desdites doctrines ne sont tenus pour heretiques, seditieux, scismatiques, ne rebelles, ains leur est permis s’assembler, pour faire presches, prieres, et autres exercices de leur religion qu’ils disent reformee, és lieux y declarez. Et consequemment sont les Edicts precedens suffisamment reuoquez et abroguez Parquoy sortans hors de ceste matiere, nous traiterons particulièrement des crimes dont la cognoissance appartict à la Cour laye, et des peines indictes contre iceux, par les Edicts et ordonaces Royaux.


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ADDITIO.

Nostre Autheur a cy dessus alléguéBenedic , in repet. c. Raynutius super verb. et vxorem. nu. 459. Toutesfois en cest endroit, et en plusieurs nombres deuant et apres il parle du temps qu’une seruitude se peut prescrire. Vray est que deuant depuis le nu. 18. iusques au 169. il traite bien amplement du pouuoir que les Iuges Royaux ont sur les clercs et personnes ecclesiastiques dont il semble que nostre Autheur à recueilly la meilleure partie de ses annotations sur ce titre.