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D’assasinemens et meurdres commis de guet à pens. Chap. XII.

Henry 1547.

Omme il soit venu à nostre cognoissance qu’auparauant et depuis nostre nouuel aduenement à la Couronne, il a esté fait en ce Royaume plusieurs meurdres et homicides de guer à pens, et assasinemens et entre autres y en a eu quelques vns faits et commis és personnes de nos principaux Iuges, Officiers et personnages de qualité, sans ce que l’on ait viuement ( comme l’on deuoit ) poursuiuy les meurdriers homicidiaires et assasinateurs : lesquels ayans donné ordre et pourueu à leur cas au parauant que d’executer leurs cruelles entreprinses, se seroient euadez et sauuez en plein iour, à la veuë du peuple mesmes de nos principales villes où ils ont fait les delits, chose qui est de tresmauuais exemple, et de non moins perilleuse consequence, et laquelle si elle estoit plus longuement toleree et passee sous dissimulation, engendreroit tels dangers et inconueniens en nostre Royaume, que nul n’y pourroit demeurer en seureté de sa personne : Sçauoir faisons que nous desirans sur tout singulièrement pouruoir et donner ordre à ce qui concerne le bien et repos public, et l’establissement d’iceluy : apres auoir mis ceste matière en deliberation auec les Princes et Seigneurs de nostre sang, et autres grans et notables personnages de nostre Conseil priué : Auons par ces presentes dit, statué, voulu et ordonné, disons, statuons, voulons et ordonnons, et nous plaist, de nos certaine science, pleine puissance et authorité Royal : Que d’orenauant toutes personnes indifferemment, tant Gentils-hommes que roturiers, et de quelque estat qualité et condition qu’ils soyent, ayans fait et commis meurdres et homicides de guet à pens, et assasinemens, seront effectuellement punis de la peine de mort sur la roë, sans autre commutation de peine quelle qu’elle soit. Et afin que les meurdriers, homicidiaires et assasinateurs apres le delit fait et commis, soit en villes, bourgs, bourgades, villages ou sur les champs, ne se puissent sauuer ny euader, sans estre prins et apprehendez, pour en estre faite punition telle que dessus : Nous voulons que ceux qui auront veu, ou soudain entendu tels meurdres et assasinemens, aillent tout au mesme instant, si c’est en bonne ville, faire fermer la plus prochaine porte : et crient à haute voix publiquement au peuple, a la porte, à la porte : afin que chacun se mette en son deuoir d’aller faire fermer les autres portes de ladite ville, et y mettre guet à quelque heure que ce soit, afin que le meurdrier et assasinateur ne puisse aucunement sortir. Et sera faite deuë et entiere perquisition et recerche par toutes les maisons, eglises, franchises et autres lieux de la ville que besoin sera, pour se saisir reaument et de faict desdits meurdriers et assasinateurs. Et quand iceux meurdres et assasinemens. aduiendront en bourgs, villages, ou sur les champs, ceux qui les auront veu commettre, ou qui sur l’heure les entendront, ne faudront aussi incontinent de courir à la cloche de la parroisse, pour la faire sonner à son de toxin, ainsi qu’il est accoustumé pour faire esmeute et assemblee de peuple. Auquel son de cloche et toxin, nous voulons les habitans du lieu eux mettre et renger en troupes sur les passages : et que ceux des autres villages et bourgs circouoisins facent le semblable, songfnt ledit toxin, afin qu’il soit entendu consecutiuement de lieu en lieu, de parroisse en parroisse, voire de prouince en prouince, estant sous nostre obeissance : ou par tout l’un apres l’autre l’on sonnera, et fera assemblee, comme dit est, sur les passages, aduenues et autres lieux eschapatoires, iusques à ce que lesdits meurdriers et assasinateurs soient prins et apprehendez, quelque part que trouuez et apprehendez pourront estre, soit en lieu sainct ou dehors. Et feront sçauoir chacune desdites parroisses depuis la premiere ou plus prochaine ou aura esté commis le meurdre ou assasinement, les marques ou enseignemens par lesquels l’on pourra cognoistre les meurdres ou assasinateurs : afin que sous telle couleur où occasion il ne soit fait tort, violence ou iniure aux passans, allans et venans sur les chemins. Lesquels meurdriers et assasinateurs prins et apprehendez nous voulons estre mis en si estroite prison et seure garde, qu’ils ne puissent aucunement eschapper : pour apres estre consignez entre lesmains de nos Iuges et Officiers, en la iurisdiction desquels ils auront commis le delict, si commodément se peut faire : sinon es mains du plus prochain Preuost de nos amez et feaux lesMareschaux de France, qui s’en chargera et baillera certification signée de sa main, et seellee de son seel, de la deliurance qui luy en aura esté faite, pour en respondre, ensemble de ses diligences, quand mestier sera. Et afin que nul ne puisse pretendre cause d’ignorance du contenu en ces presentes, nous voulons icelles estre publiees à son de trompe et cry public, par toutes lesvilles, bourgs, villages, parroisses et autres lieux et endroitsde nostre Royaume que besoin sera : et que de deux mois en deux mois ceste publication soit reiteree. Laquelle faite dés la premiere fois, si aucuns ayans veu, ou au mesme instant entendu, pour estre prochainsdu lieu, lesdits meurdres ou assasinemens, se trouuoient auoir esté refusans ou delayans d’aller faire fermer les portes des villes, et sonner le toxin des bourgs, bourgades et villages, selon et ainsi que dessus est dit, nosdits Iuges et officiers, apres s’estre sur ce deuëment enquis et informez, procederont à l’encontre de ceux qui auront refusé, delayé, ou desobey, de quelque qualité qu’ils soient, par emprisonnement de leurs personnes, auec condannation de peines et amendes arbitraires, comme infracteurs de nos ordonnances, en sorte que ce soit exemple perpetuel à tous autres, nonobstant oppositions ou appellations. quelconques, et sans preiudice d’icelles : pour lesquelles ne voulons estre différé. En enioignant tresexpressément à tous nosdits Iuges et Officiers, Gouuerneurs et Magistrats des villes et bourgs, que sous peine de priuation de leurs offices charges et estats, ils ayent à faire leur deuoir en ce que dessus, et tout ce qui en depend, à ce qu’il n’en aduienne faute de leur costé. a quoy nos Aduocats et Procureurs de dessus les lieux tiendront la main, et feront les poursuites, instaces et diligences requises et necessaires, sur le deu de leurs offices, et serment qu’ils ont à nous, et sous peine de nous en prendre à eux.

Le meurtre et homicide commis de guet à pens en la personne de M. Iean Moges, Lieutenant general du Bailly de Rouen par un Italien ayant procez pendant par deuant ledit Lieutenant, luy allant en plein iour accompagné de ses Sergens, pour tenir sa iurisdiction, fut cause de cest Edict. Et au parauant pareil homicide auoit esté commis en la ville de Caen par un gentil-homme en la personne de l’Auocat du Roy dudit lieu. Or pour entendre l’origine de ce mot d’Assasinement. Les assasins au temps que les Princes Chrestiens estoient en Syrie, bataillans pour le recouurement de la terre saincte occupee par les Sarazins, estoient vne nation peu estimee et cogneue. Ils estoient enuiron soixante mil hommes, tenans douze villes, habitans pour lors en la region de Phenice : lesquels on dit estre premièrement venus de Perse. Et depuis qu’ils eurent receu la loy de Mahommet, ils furent tenus et reputez des Sarazins, les plus sainctes gens de tous les autres. Ils n’estoient point menez comme les autres hommes, de couoitise d’honneur, viuans entre eux en bon accord, sans ambition ou appetit de dominer, ou tenir Magistrat. N’ayans point d’esgard à la noblesse ou grand lignage, pour donner à aucun le gouuernement et superintendance de leurs affaires. Mais essisoient pour leur superieur celuy qu’ils estimoient le plus homme de bien : et l’appeloient le Ancien, et Arsacidas ( mot deriué d’Arfaces, qui estoit anciennement un nom comun aux Rois de Perse, comme le nom de Pharaon aux Rois d’Aegypte, et le nom de Cesar aux Empereurs de Rome ) luy commandant prendre la charge, soing et cure des autres, et se contenter de ce nom. Et tout ainsi qu’ils vouloient qu’il eust à pouruoir et donner ordre à ce qui concernoit le bien de la communauté : aussi de leur part ils estoient imbuez de ceste opinion, qu’ils se persuadoient n’y auoir rien en tout le mode, qu’on deust tant cherir, priser et honorer, que d’exposer sa vie, quand le temps le requiert, pour le falut publique. Aucuns d’entre eux dés leur enfance apprenoient diuerses langues, et estoient tous resolus à ce poinct, qu’ils auoient confiance de paruenir à l’immortalité celeste par la grace de Dieu, s’ils mettoient à mort les ennemis de leur secte. Celuy à qui aduenoit la charge de tuer aucuns de nos Princes et seigneurs, se messant parmy la troupe des nostres, commes il estoit vn des nostres, executoit par finesse l’homicide par luy entreprins : n’espargnant point sa vie, et sçachant bien que pour ce cas il luy conuiendroit mourir. Cecy se peut voir en l’histoire dePaul Aemyle . Et pource que du temps du Pape Innocent quatrieme plusieurs abusoient de l’aide et seruice d’iceux Assasins, qu’ils louoient à marché fait pour tuer les Chrestiens, ledit lnnocent au Concile de Lyon tenu enuiron l’an 1250. fit la Decretale premiere, Tit. De homie. lib. vi. par laquelle il declara par l’approbation dudit Concile, tous Princes, Prelats et autres personnes quelconques tant ecclesiastiques que seculiers, qui feroiet tuer et mettre à mort par lesdits Assasins, ou leur donneroient charge de tuer aucun Chrestié, encores que mort ne s’en ensuiuist, ensemble leurs fauteurs, receptateurs, complices et adherens, excommuniez, et priuez de tout honneur, ordre, dignité, office et benefice, ipso facto, et sans attendre autre sentence ou declaration. De là est venu que tout homicide commis par gens allouez à marché fait, ou autrement attitrez par mandement de autruy, est dit assasinement, et tels homicidiaires, assasinateurs, comme en ceste ordonnance.1



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ADDITIO.

Voyez Archid et Ioan. And. in d. l. 1. de homici. in vi. Alber. in Dictio. in verb. Assasinus Raph. Volater. lib. xi. Geograp. cap. de sectis Syrin.