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Ledit François 1533.

N Ous desirans sur tout, le faict et entretenement de la police de nostre Royaume estre bien et deuëment reiglé, et faire viure chacun en son endroict et estat selon ce qui luy appartient : considerans que les Nobles apres auoir exposé leurs personnes tant au faict de guerres, qu’ailleurs, en nostre seruice et autour de nostre personne, n’ont aucun esbat, recreation, n’exercice approchant celuy des armes, sinon la chasse : et au contraire les laboureurs, artisans, et autres mecaniques et ruraux en s’adonnant à icelle delaissent leur agriculture, et artifices, sans lesquels la chose publique de nostre Royaume ne pourroit estre sustentee : Pour ces causes et autres considerations, à ce nous mouuans, en adioustant à nos ordonnances sur le faict des chasses : Auons inhibé et defendu, inhibons et defendons à toutes gens de quelque estat, qualité ou condition qu’ils soyent, reseruez les Nobles, de chasser ne prendre bestes rousses ou noires, ne gibier, en quelque sorte manière ou moyen que ce soit, tant és forests, garennes et buissons, qu’aux terres cultiuees et à cultiuer, sur les peines contenuës en nos ordonnances : Nonobstant les priuileges donnez tant par nous que nos predécesseurs en quelque manière que ce soit : Nonobstant aussi tous pacts et conuentions faits et passez par les Princes, Seigneurs et Nobles, en baillant leurs terres en fief et emphyteose, ou autrement. Ausquels, en tant que besoin seroit auons derogué et derogons, comme contraires au bien et vtilité de la chose publique de nostre Royaume : et iceux priuileges donnez par nous et nos predécesseurs, auons de nostre propre mouuement, certaine science, pleine puissance et authorité Royal, cassez, reuoquez et adnullez, cassons, reuoquons et adnullons par ces presentes.

Veu que la chasse des bestes sauuages est naturelle et permise à tous du droict des gens : On peut demander, s’il est raisonnable de defendre de chasser ausdites bestes : ienten à chiens, doucement et sans armes, et sans instrumens et engins qui pour bones et iustes causes sont defendus, et hors les garenes d’autruy, etautres lieux de deffens. Ceste question est traitee perGuil. Benedi . in d. repeti. c.Raynutius . et dit que telle prohibition et defense ne vaut rien, si la coutume n’estoit telle : et que ladite chassent peut estre defenduë, principalement aux Nobles qui de leur naturel sont enclins et adonnez à la chasse. Disant que le Roy Loys xi. de ce nom faillit en ce qu’incontinent apres son aduenement à la couronne il defendit toute manière de chasse à la Noblesse, de sorte qu’on n’eust osé nourrir chiens ny oiseaux, ou user de filez pour prendre les bestes sauuages, sinon d’autant qu’il luy plairoit en donner congé et permission. Qui fut vne des causes de la coniuration entreprinse contre luy par les Princes de son Royau me, comme il recite apres Gaguin. Toutesfois il conclud que par coustume ou pour iuste cause telle defense peut estre faite, comme aux laboureurs et paisans : à celle fin qu’ils ne soient diuertis et destournez de leur agriculture. Chose qui tourneroit au detriment et dommage de la chose publique : sur laquelle raison est fon dee ceste ordonnance. Et recite leditBenedic ., que le Roy Charles vi. fit vne ordonnance en l’an 1396. le 10-de lanuierdaquelle l’ay veuë, et fut leué en ce pays en l’Eschiquier des eaux et forests le 21. de Mars audit any par laquelle il defendit à tous ses suiets non Nobles, de chasser ne tendre à bestes grosses ne menues, ny oiseaux, en garenne ne dehors, ne d’auoir ne tenir pour ce faire, chiés, furons, cordes, laques, filez et autres harnois. De laquelle prohibition estoyent exceptez les bourgeois viuans de leurs possessions et tétes, ceux qui auoyent priuilege ou adueu ou expresse comission à ce de personne qui la peust donner. etpersonnes d’eglise à qui toutesfois par raison de lignage ou autrement deuement cela deust competer. Toutesuoyes au temps que les porcs et autres bestes sauuages vont aux champs pour manger les bleds, il luy pleut bien que les laboureurs peussent tenir chiës pour garder leursdits bleds, et chasser les bestes d’iceuxMais si en ce faisant prenoyent aucunes bestes, ils estoyent tenus les porter au seigneur, ou à la Iustice à qui il appartiendroit : sur peine de restablir la beste et de payer t amende.

Or pource que la presente ordonnance dit que la chasse est vn esbat, recreation et exercice approchant celuy des armes, et bien seant à la Noblesse, se ne sera hors de propos d’escrire icy ce qu’en dit Xenophon en sa Cyropedie, C’est à sçauoir que c’est le vray exercice des choses requises à la discipline militaire. Car elle accoustume à se leuer matin. Elle rend le corps puissant de porter le trauail, le chaud, le froid, et la faim. Elle apprend à piquer un cheual, et à cheminer et courir longuement. Et quand ce vient à rencontrer la beste de defense, il faut alors que le bon cueur de l’homme se mostre, tant à se garder et defendre comme à ferir la beste : de sorte que tout bien considéré rien ne defaut à la chasse de ce qui faut à la guerre. Pour ceste cause les Roys et Princes ont aimé le deduit et exercice de la chasse, comme Cyrus, Darius, et autres Roys de Perse. Duquel Darius l’epitaphe estoit tel, comme escritStrabo , Amicus amicis fui, eques et sagittator optimus : venatores omnes superaui, et quecunque volui facere, potui, Ale. xandre le Grand pareillement apres le trauail des armes prenoit plaisir au faict de la chasse. Les Empereurs de Rome n’en ont fait moins : et principalementl’Empereur Adrian , lequel y estoit tant adoné qu’il en deuenoit fol, et bien souuent hazardoit et exposoit en grand danger sa personne, dont il estoit blasmé, combien toutesfois qu’il nomist rien de ce qui estoit requis à l’office d’un bon Prince. Pareillement les Nobles Roys de France ont bien monstré combien ils ont prisé et estimé le plaisir de la chasse, par la grade despense qu’ils ont faite et font pour l’estat et entretenement de la venerie, et des officiers à ce commis et establis. Entre lesquels Roys est escrit de Charles vie pour chose digne de mémoire, qu’etant à l’assemblee en la forest de Senlis il fit leuer un cerf aux abois des chiens, qui fut prins dedans les toiles, et trouué portant en son col un colier de bronze, auquel estoit escrit en Latin, Hoc me Cesar donauit. Et dés lors ledit Roy Charles print pour insigne, le cerf volant, portant vne courone d’or en son col. Et de la est venue la coustume de faire porter l’escu deFrace par deux cerfsvolas. Pareille chose ont escrit les autheurs Grecs, que long temps apres le decez d’Alexadre le Grad, on a prins des cerfs portans des colliers d’or, où estoit escrit le nom dudit Alexandre. Pas ne faut icy omettre que la chasse sert aussi bien à l’exercice de l’esprit come du corps. Car elle chasse oisiueté mere et nourrice de tous vices. Et pourtant non sans cause les Poetes ont escrit en leurs fables, que Diane deesse de la chasse impetra de Iuppiter le don de perpétuelle virginité. Et auons pour tesmoin Pline second, que la chasse est fort idoine et conuenable à la contemplation de grandes choses : lequel escriuant à Cornelius Tacitus se glorifie d’auoir esté souuentes fois à la chasse : adioustant ces paroles, Mirum est vt animus ab agitatione motuque corporis excitetur. lam ndique. Sluaeet solitudo, ipsumque illud silentiù quod venationi datur, magna cogitationis incitamenta sunt. Proinde cum venabere, litebit authore me ut panarium et lagunculam deferas. Experieris enim Dia nam non montibus magis, quam Mineruam inerrare. L’e l’vtilité aussi de la chasse a escrit Ciceron li. 2. De natura deorum, disant, lam vero immanes et feras beluas nanciscimur venando vt et vescamur his, et exerceamur in venando ad similitudinem bellica discipline, et vtamur domitis et condocefactis, ut elephantis : multaque ex earum corporibus morbis et vulneribus eligamus, sieut ex quibusdam stirpidus et herbis, quarum vtilitates ex longinqui temporis vsis et périclitatione percipimus.1

Il y a aussi la fauconnerie qui approche de la venerie, et qui retire aucunement à la discipline militaire. Laquelle fauconnerie est menée en ce temps en trop plus grande diligence qu’elle n’estoit au temps passé : auquel il semble qu’elle ait esté incognue, sinon de bien peu de gens : pource que les anciens autheurs qui ont esté curieux de mettre par escrit beaucoup de moindres choses n’en ont rié escrit, fors que Pline au chapître huictieme du dixième liure, fait mention qu’en vne contree de Thrace les hommes et les espreuiers volent ensemble les oiseaux comme en parçonnière, et partent entre eux la proye. De quoy on peut prendre coniecture que le commécement de la fauconnerie est venu de Thrace : et que depuis à traict de temps elle est accreuë et paruenuë à tel usage, qu’on n’y pourroit adiouster rien d’auantage. Or si on veut bis considerer la nature de l’espreuier, et des autres oiseaux de proye, Qui est-ce qui ne Sesbahit coment on les peut ainsi appriuoiser à nostre vsage, qu’ils prennent leur pasture de la main des hommes, recognoissent leur maitre, suyuent sa voix si tost qu’ils l’ont entenduë d’enhaut : et de ceste grande liberté de l’air retournent d’eux mesmes. au lien et seruitude de leur seigneur, font son commandement, et luy apportent leur proye, apres en auoir quelque peu gousté. Les fauconniers de nostre temps prennent ces oiseaux au nid, etles nourrissent aussi curieusement que leurs propres enfans, euitans tout ce qui leur peut nuire, et cerchans tout ce qui leur est propre, leur pouruoyant de viande requise selo la saison, par l’experience qu’ils en ont apprinse de longue main. Et voyans en eux quelque signe de maladie, ils y pouruoyent par remedes exquis, En temps d’hyuer ils les enferment dedans des cages, et les retirent dedans les chambres, pour les garder de l’iniure de l’air. Ausquels lieux estans nourris de viàdes chaudes ils se muent, et font nouueau plumage, qui rend leur vol plus isnel. Aucunefois ils les prennent en l’air estans ia grans, et les appriuoisent par grande industrie. Et cognoissans que leur ferocité vient en la plus grad’partie de la viuacité de leur veué, ils leur cousent tout doucement d’une petite aiguille les paupieres des yeux, et dlque temps les priuent de la lumiere, iusques à tant qu’ils soient rendus plus priuez. Et apres leur auoir descousu les yeux, ils leur mettent un chaperon à la teste, et ne les descouurent qu’alors qu’ils les laschent au vol sur quelque oiseau : afin que reprenans leur ferocité par la vinacité de la veuë, ils empiettent et rauissent l’oiseau plus vistement.

Or pource qu’il est parlé cy dessus des garennes, nous noterons qu’il y a ordonnance du Roy Iean faite en l’an 1355. par laquelle il voulut que tous accroissemens de garennes anciennes, és toutes nouuelles garenes, et les siennes mesmes fussent du tout mises au neant, comme estans causes qu’on ne pouuoit labourer profitablement les terres et champs : ains demouroyent perdus et gastez. Et de faict, comme ditPline , les connils sont de fecondité innobrable, et destruisent et gastent les labeurs des champs. et aucunesfois peuuent estre cause de ruiner les villes à force de miner sous terre. Dot on lit un exemple mémorable. Que iadis deux connils apportez aux isles Baleares, auiourd’huy appelées Maiorque et Minorque, multiplierent tellement qu’ils remplirent toute la terre : et firent tant de dommages aux champs et aux maisons, que les habitans des isles furent contrains de demander conseil aux Romains, pour resister à ces petits animaux, et preuenir leur rage. Alors leur fut donné conseil d’apporter des chats sauuages d’Afrique, et les mettre dedans les terriers des connils, pour les tirer dehors, ou les contraindre de sortir par vn aure trou, afin de les chasser et prendre. De ce petit animal escrit Martial ce distiche :

Gauder in effosis habitare cuniculus antris. Monstrauit tacitas hostibus ire vias.


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ADDITIO.

Il n’y a aucun qui ne donne louangeà la venerie bien conduite et bien exercee. Mais il y a à craindre de tant l’aymer et si souuent exercer, qu’on n’en delaisse non seulement le soin et cure de sa famille et propres affaires, mais qui est d’autre et plus grande consequence, du bien public : et que ce ne soit honte d’en ouyr semblable reproche d’Antiochus Roy de Syrie et d’Afie fut contraint d’entendre par cas fortuit, qui toutesfois comme Prince tresbenin, le print à la bonne part.Plutarch . en réfere l’histoire. Antiochus sinquiiy ille qui bis exertitum duxit aduersus Perias, tùm in venatu quodam seram e insequeretur, aberrans ab amicis et famulis in casam pauperum quorundam, quibus ignotus erat, iniroiit : atque inter tenam iniecta mentione Regis, audiuit quod taetera quidem probus esset, sed plerasque functiones mandaret amicis improbis, ipse ad eorum facta conuiueis, tum quod immodico venandi studio frequenter necessaria negligeret. Ardhat tum temporis nibil respendit nec quis esset prodidit : verùm vbi diluculo satellites venissent ad tasam, iammque agnosceretur allata purpura simul tum diademate, Age, inquit, ex quo die vos recepi, heri primùm vera de me ipso audiui : nam ferè hot studio est his qui viuunt in aulis Principum, ne quid audiant, nisi blandum auribus. HacPlutarch . in Regum apophtheg. tui adiècisse libuit Galtheri Britanni tragicum venabulum. Galtherus Triellus Britannus dum venaretur, arbitratus se telo teruum petere, Gulielmum secundum Britanniae Regem cegnomenio Rufum, Parruelem fratrem oceidit. Itaque ex venatione vnde voluptatem querebat, intredibilem retulit dolorem et moerorem. Fulgos. lib. 9. cap. 9.